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Chronique générale
Résumé
Au cours de la deuxième année de participation de Christoph Blocher au gouvernement, l’attention des médias et, avec elle, de l’opinion publique, s’est à nouveau portée sur le fonctionnement du Conseil fédéral. Comme auparavant, les discussions sur des conflits présumés ou rendus publics, de même que sur des indiscrétions, ont donné lieu à des débats sur la pérennité du système de gouvernement collégial. Malgré ces discussions, aucune crise sérieuse n’a paralysé l’action du gouvernement. La position du Conseil fédéral et de la majorité du parlement s’est imposée, dans les quatre votations référendaires, peu importe si les projets de loi ont été combattus par la gauche (libéralisation des heures d’ouverture des magasins) ou par la droite (accords bilatéraux avec l’UE, reconnaissance du partenariat homosexuel).
Des signes avant-coureurs des élections fédérales de l’automne 2007 ont déjà été perceptibles dans de nombreuses prises de position des partis. En particulier dans le cas des deux partis les plus forts et les plus intéressés par une polarisation – le PS et l’UDC –, qui ont eu un œil constamment fixé, lors de leurs décisions, sur les petits partis proches d’eux, afin de ne pas hatiser de concurrence fâcheuse de la part de ces derniers lors des élections à venir. L’UDC n’a ainsi en aucun cas voulu abandonner la campagne à l’encontre de l’extension de la libre circulation aux nouveaux pays membres de l’UE à des partis positionnés à l’extrême droite, comme les DS, la Lega et l’UDF. Le PS a également lorgné, lors du combat contre la libéralisation des heures d’ouverture des magasins dans les grandes gares et les aéroports, et lors du soutien au référendum contre la révision de la loi sur l’asile, vers les Verts – plus résolus sur de telles questions – et les petits partis d’extrême gauche de Suisse romande. Bien que les résultats des élections cantonales ne puissent se laisser transposer tels quels aux élections nationales, ceux-ci donnent toutefois d’importantes indications. Parmi les gagnants, on a trouvé à nouveau les Verts, alors que les radicaux ont encore figuré parmi les perdants. Le développement et l’expansion de l’UDC, de même que les piètres relations que celle-ci a entretenues avec les autres partis bourgeois, ont en outre facilité à la gauche de remporter les élections cantonales. Cette dernière s’est en effet emparée de la majorité gouvernementale dans les cantons de Genève et de Neuchâtel.
Suite à la décision populaire négative de 1992, relative à l’entrée de la Suisse dans l’EEE, la voie des accords bilatéraux avec l’UE a été confirmée lors de votations populaires durant l’année sous revue. L’intégration à l’Espace Schengen, qui prévoyait, à côté d’une meilleure coopération policière, la suppression du contrôle des personnes aux frontières entre Etats membres, a été acceptée par 55% des votants. L’extension de la libre circulation des personnes aux nouveaux pays membres de l’UE a, quant à elle, été approuvée à 56%. Dans le contexte européen, où les citoyens ne peuvent en principe se prononcer sur ce genre de questions, l’acceptation de la libre circulation avait de quoi surprendre. Le fait que les Suisses aient donné leur assentiment à cette concurrence accrue sur le marché du travail est toutefois en bonne partie redevable aux mesures d’accompagnement, qui ont été acquises de haute lutte par les syndicats. L’immigration et les problèmes qui lui sont liés vont jouer, dans un futur proche, un rôle important au niveau politique. A ce titre, des tendances contraires ont été constatées : alors qu’en Suisse romande tous les cantons – à l’exception du Valais – ont introduit le droit de vote des étrangers, l’UDC s’est battue, dans ses fiefs de Suisse centrale et orientale, pour la mise en place de nouvelles barrières à la naturalisation.
L’économie s’est développée de manière très favorable durant l’année sous revue, les exportations ayant notamment fortement augmenté. Le chômage, qui touche avant tout les étrangers disposant d’une formation incomplète et de connaissances linguistiques insuffisantes, a légèrement reculé. Les milieux économiques et bourgeois, qui sont, contrairement à la gauche, persuadés des répercussions positives de la concurrence économique, ont obtenus quelques succès durant l’année sous revue. Le peuple a en effet accepté une ouverture des commerces le dimanche dans les grandes gares et les aéroports. Le résultat de la votation a cependant été si serré qu’une libéralisation générale des heures d’ouverture des commerces – déjà votée au Conseil des Etats – a été enterrée. Dans le domaine des infrastructures, le Conseil fédéral a entrepris une deuxième démarche en direction d’une libéralisation du marché de l’électricité, qui a d’ailleurs obtenu l’approbation du Conseil national. Si le gouvernement a également confirmé son intention de poursuivre la suppression progressive du monopole de la Poste, il a en outre pris une décision de principe dans le sens d’une privatisation de Swisscom. Swiss, l’entreprise qui a succédé à la défunte Swissair grâce à d’importants moyens financiers mis à disposition par la Confédération, a été vendue à la compagnie aérienne allemande Lufthansa durant l’année sous revue. A cette occasion, il n’y a eu ni grandes protestations, ni d’ailleurs de tentative sérieuse de garder l’entreprise en mains suisses.
En dehors des syndicats, les paysans sont les opposants les plus farouches de la libéralisation générale des marchés. L’USP a assumé la responsabilité de la seule véritable manifestation d’envergure ayant eu lieu durant l’année sous revue. Lors de celle-ci, plus de 10 000 paysans ont manifesté pacifiquement contre la baisse des prix payés aux producteurs et contre les négociations agricoles à l’OMC. Les paysans ont toutefois dû être consolés par le fait que l’initiative populaire en faveur d’un moratoire sur le génie génétique dans l’agriculture, lancée conjointement avec les Verts et des associations de protection de la nature, a été acceptée par le peuple et l’ensemble des cantons en votation.
La bonne conjoncture économique et les efforts en matière d’économies ont amélioré la situation des finances fédérales. A la place d’un déficit de 1677 millions de francs budgété pour 2005, les comptes ont bouclé sur un manque à gagner de 121 millions de francs seulement. Les excédents de recettes massifs dus à la bonne situation économique ont été responsables de ce bilan favorable. Les dépenses ont certes continué à augmenter (2,2%), mais de manière nettement moins substantielle que prévu. Au grand regret de la gauche, les efforts en matière d’économies de la part du gouvernement et de la majorité au parlement ne vont toutefois pas s’achever. Durant l’année sous revue, le parlement a adopté le programme d’économies du gouvernement (PE04), qui renonce à des activités planifiées pour un montant de 4,8 milliards de francs.
Les assurances sociales ont encore constitué un grand chantier de la politique fédérale. Le Conseil fédéral a présenté un projet de réforme de l’AVS. Ce dernier a repris quelques points qui ont été combattu avec succès l’année passée par la gauche, lors de la 11ème révision. Le projet a fait quelques concessions aux opposants d’alors, en prévoyant notamment d’accorder un soutien financier aux personnes ayant un revenu modeste et qui désirent prendre leur retraite anticipée. Les syndicats ont toutefois jugé cette proposition totalement insuffisante. Ils ont ainsi lancé une initiative populaire, qui veut introduire l’âge de la retraite à 62 ans, sans réduction de rente, pour presque tout le monde. La politique familiale a eu le vent en poupe durant l’année sous revue. Presque tous les cantons ont décidé d’introduire des réductions d’impôt pour les familles avec enfants. Au niveau fédéral, une majorité constituée de la gauche et du PDC a décidé d’unifier et d’augmenter les allocations familiales, jusqu’ici réglées au niveau cantonal.
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